Le rugueux de ma plume

Le rugueux de ma plume

Rêves aquatiques (un récit quotidien)

« Elle jeta la couverture le plus loin possible d’elle et déposa délicatement son livre au sol. » Encore une fois, elle se ment à elle-même...la voilà qui éteint la télé. Elle ne veut qu’une chose : oublier, continuer à oublier !

Elle se dirige vers le couloir en marchant doucement : ses pas sont lents et démesurés. Bien qu’elle ait toujours aimé danser, son équilibre ne lui permet pas d’avoir ce que l’on appel de la « grâce »...Ce qui ne l’empêche pas de virevolter du reste.  Pourtant, ce soir, elle prend bien soin de poser la plante des pieds à plat sur le sol glacé.

Elle ouvre la porte de la salle d’eau dont la taille est plutôt celle d’un cabinet de toilette. Comme toujours, elle allume la lumière douce, celle qui se trouve à droite du miroir. Elle aime cet éclairage tamisé qui lui rappel l’univers de ses romans.

Elle a des gestes saccadés, qu’elle aurait voulus lents. Elle est gauche et très maladroite... Elle commence à se déshabiller avec un naturel forcé. Son regard est accroché au miroir et ses yeux sont plantés dans ses pupilles noires.

Elle imagine les compliments d’un homme qui l’aurait épié...Elle voit le visage enfiévré de cet admirateur inconnu. Elle rêve de son désir passionnel. Mais elle n’est pas jolie, surtout avec ses manières d’héroïne romantique qui ne lui vont pas du tout et la rendent froide.

Elle ôte ses boucles d’oreille avec cérémonie et pose son pendentif sur le bord de l’évier avec respect. Puis, elle commence à déboutonner son chemisier, toujours avec des airs de déesses. Elle laisse glisser le tissu sur ses épaules et prend le temps de plier son vêtement soigneusement avant de s’attaquer au pantalon. Malheureusement, c’est avec moins de panache qu’elle s’extirpe de son jean qui n’a rien de la mousseline blanche et fine qu’elle imagine voir tomber à ses pieds. Enfin, elle décroche ses sous-vêtement et se contemple un instant avec un air intrigué...Comme pour dire : « Bien sûr, je suis belle, désirable et intelligente. Je suis belle, désirable et intelligente. Je suis belle... »

L’eau coule sur ses épaules, sur sa nuque, ses hanches...La mousse épouse ses formes et elle se balance, s’enlace et se délasse. Comme le désir d’aimer est fort à 15 ans! Ses cheveux coulent tous entiers. Ses yeux, rougis par le savon, ont un éclat malicieux. Sa peau, qu’elle imagine faite de nacre, est néanmoins d’une douceur de bébé et même ses tâches brunes et un peu grossières ne la défigurent pas. Elle brille toute entière d’un éclat ardent, d’un éclat de femme. On n’est jamais plus femme qu’à 15 ans! Toutes ces émotions, que les adultes semblent ressentir périodiquement et à petite échelle, sont gravées en elle et l’enflamment.

L’air froid dans le corridor, après l’éclat du robinet, assèche la peau de Marie. Elle attrape son peignoir, toujours avec « délicatesse », l’enfile « élégamment » et le serre de toutes ses forces pour donner à son buste cette forme triangulaire qu’ont les femmes aimantes. Effectivement, elle n’a droit qu’au titre dérisoire « d’adolescente » et de surcroit « en pleine crise » ! Pour elle, ce terme est tellement utopique ! Il y a les noirs, les blancs, les jaunes, les rouges, les vieux, les grands, les petits...et les adolescents. Mais jamais personne n’approche réellement de ce qu’est un enfant à cet âge. C’est trop fort, trop brûlant...

« Le monde qui nous entoure est fade et froid comparé à notre fougue. Le malaise est l’arme la plus forte que possèdent les hommes : c’est celle qui les protège d’eux-mêmes. C’est celle dont nous usons à 15 ans. Certains la perdent, d’autres s’en moquent ! » Cri t’elle dans la nuit. Cette nuit de froid et d’incompréhension qui la hante. 



13/04/2010
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